Stockage des céréales : la lutte insecticide devient complexe
Avec un nouveau ravageur en expansion, le charançon du riz, et des foyers d’infestations plus virulents qu’avant, les repères changent pour protéger les céréales stockées.
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Les proliférations d’insectes dans les céréales stockées restent un problème récurrent. Arvalis constatait au printemps, à la suite d’une enquête menée à l’automne 2022, que 84 % des silos fermiers étaient infestés après incubation. Or, les substances actives ont fondu comme neige au soleil (retraits du dichlorvos, malathion, chlorpyriphos-methyl…).
« L’agroalimentaire ne veut plus d’organophosphorés »
Reste désormais le pyrimiphos-méthyl (organophosphoré), efficace sur le charançon du blé (Sitophilus granarius), principal ravageur jusqu’alors. Mais aussi les pyréthrinoïdes (cyperméthrine et deltaméthrine), développés dans les années 1990, avec l’arrivée du capucin des grains (Rhyzopertha dominica).
« Aujourd’hui, l’agroalimentaire ne veut plus d’organophosphorés, donc du pyrimiphos-méthyl, qui laisse des résidus, indique Valérie Ducom, experte en protection des stocks, et présidente de Cérès Innovation. Et c’est la même chose dans beaucoup de pays qui importent nos céréales. On se retrouve donc avec une unique famille insecticide, pas toujours très efficace sur charançons. »
Or, un autre coléoptère est apparu il y a une trentaine d’années en Europe via nos importations de riz : le charançon du riz (Sitophilus oryzae). Si ses infestations restaient jusqu’alors anecdotiques, il est beaucoup plus présent depuis peu. « Après incubation, c’est le charançon du riz qui prédomine avec plus de 50 % de l’effectif total d’individus observés », observe Arvalis.
Infestations au champ
Le problème, c’est qu’il vole. Ainsi, dans les pays chauds, on le retrouve aussi bien dans les stocks qu’au champ, contrairement à Sitophilus granarius, uniquement présent au silo. « Il commence à y avoir des infestations très précoces : sur maïs en 2022, sur orge en 2023, rapporte la spécialiste. Signe, certainement, qu’il y a des dégâts au champ, grâce aux températures qui le permettent désormais ! »
« On pourrait avoir rapidement des infestations ultraprécoces à cause de la présence d’œufs et de larves dans les grains venant des champs. De plus, les insecticides de contact employés ne sont pas très efficaces contre ce dernier », complète-t-elle. Et de rappeler que cette espèce s’acclimate encore mieux au froid que les espèces « endémiques », puisqu’il peut y avoir des départs d’infestations dès 5°C.
Valérie Ducom soutient que « notre pays est celui qui présente le plus de résidus de pesticides au stockage ». Pour faire face à cette question, elle juge que la fumigation est une solution et qu’il faut la démystifier. Tous nos voisins l’emploient et nos exportations sont traitées à la phosphine (seule molécule autorisée en fumigation en France) car les pays importateurs l’exigent. Elle explique que plusieurs coopératives ont donc opté pour cette solution, économiquement viable, et qui permet d’obtenir zéro insecte et zéro résidu. En effet, elle atteint les formes cachées dans le grain, contrairement aux produits de contact couramment utilisés.
Quant aux agriculteurs stockeurs, ils manquent souvent d’informations pour se lancer. Il faut avoir un agrément pour acheter le gaz et pour traiter soi-même, ou faire venir un prestataire de services. Aucune installation n’est vraiment compatible, mais dans la plupart des cas, on peut faire les fumigations après un rapide travail d’étanchéité. « Si on ne prend pas ce wagon-là, nous n’aurons plus de marchandise saine, loyale et marchande à proposer et nous partirons à la catastrophe sur nos exportations comme sur le marché intérieur », conclut-elle.
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